Jadis, la notion d’incommunicabilité entre les êtres humains fut très à la mode chez les intellectuels d’après-guerre. La pandémie numérique, comme l’effondrement des théories politiques binaires, l’ont rendue obsolète pour le plus grand nombre.
Ce qui ne veut pas dire que parler d’une même chose impose d’être gouverné par une logique unique.
Tel est l’objet de la LEM 1241 : Certitude administrative, incertitude scientifique.
Bonne lecture.
François-Marie Michaut
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18 septembre 2021
Affrontement passifiable (Exmed)
Certitude administrative, incertitude scientifique (LEM 1241)
La nette opposition, pour ne pas dire contradiction dans nos esprits, entre la lecture de la réalité objective perçue par les pouvoirs administratifs et les pouvoirs scientifiques n’est pas un élément favorable pour vivre au mieux les temps présents. C’est en entendant René Rosanvallon, sociologue politique renommé, que cette évidence m’est apparue.
Pour un médecin, la question du pouvoir, donc des décisions et choix à effectuer, se traduit au grand jour dans les hôpitaux publics.
Depuis 1968, et la disparition des mandarins tout puissants, l’administration hospitalière n’a pas cessé de s’étendre, et les prérogatives des praticiens de se réduire à des fonctions de plus en plus techniques. On peut s’en réjouir du côté des administratifs. On ne manque pas d’en critiquer les conséquences pratiques indésirables du côté des soignants et de leurs patients.
Qu’est ce qui fait que les choses ne fonctionnent pas au mieux pour parvenir aux intentions affichées, souvent centralisées, jusqu’en haut de la pyramide administrative d’État et de ses animateurs politiques ?
N’oublions pas que l’École Supérieure de Santé Publique de Rennes a été créée à l’initiative de Simone Veil, ministre de la Santé. Elle fut aussi une personnalité respectée du monde juridique. Une pépinière des cadres administratifs des hôpitaux publics était née.
Notons quand même que chez nos confrères militaires, la direction administrative au plus haut niveau n’est confiée qu’à des médecins. Pour quelle raison ?
Les médecins sont contraints, par leur indispensable culture scientifique, à demeurer dans l’incertitude permanente du devenir de leurs patients. Les mots toujours et jamais, nous enseignait-on jadis, ne font pas partie du vocabulaire médical. C’est à la fois peu rassurant et en même temps réconfortant.
La logique administrative, pour demeurer efficiente, ou, au minimum, applicable aux situations concrètes, ne peut sortir d’une réponse par oui ou non. Aucune place au peut-être ou au on ne sait pas toujours.
Il serait stupide de vouloir se passer de l’une ou l’autre de ces logiques. Les deux ont leur nécessité. Admettre qu’elles puissent être contradictoires n’impose pas de mener un combat en faveur de l’une ou l’autre. Toute polémique, le mot le dit, est une forme de guerre. Le jeu, s’en est un, est de tuer symboliquement ceux qui pensent autrement que nous.
Comment s’étonner de la violence des échanges dans nos sociétés si fortes en gueule ?
Politesse, courtoisie, respect de la personne de l’autre mériteraient-ils de sortir des oubliettes de nos richesses culturelles dynamitées par la violence ?
Juste pour nous aider les uns et les autres à vivre... moins mal.
François-Marie Michaut
Os court :
« Toute certitude est par essence contradictoire avec la philosophie de la recherche. »
Pierre Joliot ( Biologiste, académicien, fils de Frédéric Joliot-Curie)
Lettre d'Expression médicale
LEM n° 1241 19 septembre 2021
14 septembre 2021
Mise en danger de la vie d’autrui (Exmed)
C’est sous ce chef d’inculpation qu’Agnès Buzin, médecin de formation puis ministre de la santé a été traduite devant une assemblée ayant pour mission de juger son action avec le Covid19. Il a fallu que les législateurs précisent depuis longtemps qu’un acte médical, aussi invasif, «chirurgical», soit-il, ne peut pas être considéré comme des coups et blessures.
Se mettre au volant ou fournir de l’énergie électrique dans une habitation ne peuvent sérieusement être considérés comme, principe de précaution oblige, ne comportant aucune possibilité de risque fatal pour autrui ?
Laissons les médecins faire leur travail, laissons les politiques demeurer des êtres humains. C’est à dire, n’en déplaise à tous les justiciers impitoyables, faillibles.
François-Marie Michaut, 15 septembre 2021
12 septembre 2021
RAYONNAGE (LEM 1240)
En connaître un rayon signifie qu’on est fort :
C’est, dans des professions, un très bon passeport.
Il ne s’agit pas là de rayon de courbure
Qui n’aiderait personne à la candidature,
Mais plutôt du rayon qui, dans bien des boutiques,
Est un lieu consacré à des choix spécifiques…
Le rayon de braquage est, lui, fort éloigné
D’un brigand menaçant volant à main armée.
Il serait chef de bande et pas chef de rayon :
On ne saurait confondre et serviettes et torchons…
Quand au rayon d’action, il n’est pas sur la roue
Et son action n’est pas celle d’un risque-tout.
De nos bibliothèques, les rayons sont culture
Et rayons de soleil par la littérature :
Les mots sont rayons X, ils transpercent les corps
Mais leurs ombres s’impriment en trouvant des accords.
Qu’ils soient ultra-violets, infrarouges ou cosmiques,
Les rayons font partie de notre sémantique.
Le rayon de Schwarzschild vous dit-il quelque chose ?
C’est un rayon à trou, mais de trou fort grandiose,
Puisqu’il nous parle-là des terribles trous noirs,
Et leur gravitation aux appétits notoires.
Peut-être ce savant au nom si émouvant
Aimait-il bien le miel aux rayons si tentants ?
La roue de la vie tourne : où donc sont ses rayons ?
Elle tourne trop fort pour que nous les voyions.
Beaucoup de grands esprits tentent tout pour briller :
D’autres, bien mieux, rayonnent sans s’être démenés.
Leur rayon est interne et dur à déceler ;
Comme chez les poètes c’est une chose innée…
Jacques Grieu
Os court :
« Belles personnes,
Rayonnez, fleurissez, soyez des échansonnes
De rêve, d’un sourire enchantez un trépas,
Inspirez-vous des vers... mais ne les jugez pas!»
Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
Lettre d'Expression médicale
LEM n° 1240 12 septembre 2021
Temps précovidien (Exmed)
Mais qu’avions-nous donc dans la tête avant que Corona le virus du syndrome respiratoire aigu sévère n°2 ne monopolise sans relâche jusqu’à l’abrutissement nos petites - comme grosses- têtes ? Un petit air d’un avant déjà perdu.
Tiré de nos réserves encore inédites ici, voici la LEM 1240 de Jacques Grieu RAYONNAGES.
Bonne lecture ne nécessitant, on respire un peu... aucune modération.
François-Marie Michaut, 12 septembre 2021
05 septembre 2021
Ceci n’est pas de l’antiscience plus que du proscience (Exmed)
Le moins qu’on puisse dire est que la science, comme ceux qui ont pleine confiance en elle, sont rudement mis en cause dans les échanges publics. Être pro ou anti, pour quelque raison que ce soit là n’est pas l’important pour comprendre ce qui nous arrive.
La LEM 1239 tente de faire cet effort sans chercher à distribuer de bons et de mauvais points. Voici : Systémique, le grand frein.
À vous, les lecteurs, d’en faire ce qui vous semble juste.
François-Marie Michaut 5 septembre 2021
Systémique, le grand frein (LEM 1239)
Si je suis tombé dans la bassine de la pensée systémique, c’est à cause des malades alcooliques que j’ai choisi de prendre en charge pour les soigner en un temps où on ne s’en préoccupait guère du côté de la citadelle médicale (1). Les soins, alors orientés par la seule obsession d’empêcher par tous les moyens (2) les malades de boire jusqu’à la fin de leurs jours, les conséquences bien connues de leur alcoolisation étant dramatiques. Oui, la lutte contre l’alcool s’est avérée une voie thérapeutique on ne peut plus désespérante,tant pour les soignants que les soignés et... leur entourage. Erreur de compréhension d’une pathologie, tant féminine que masculine, impliquant toujours un entourage particulièrement complexe (3). Ne s’occuper que de la substance toxique a conduit à une sorte de négation de la personne humaine dans toute sa complexité.
Rendons à César ce qui lui appartient. La notion d’addiction (anglicisme francisé) proposée par le psychiatre Jean-Paul Descombey ( in «Alcoolique, mon frère, toi», Privat 1985) a été une ouverture majeure, la personne reprenant la priorité sur la substance toxique.
Une industrie pharmaceutique aux aguets d’une clientèle potentielle énorme s’est engagée dans le créneau de la nouvelle alcoologie, avec un biais majeur. La course après la substance capable de faire disparaitre, ou diminuer, les comportements de dépendance à l’éthanol. Là encore, il n’y a pas eu de miracle, les promesses sont tombées... à l’eau.
C’est finalement la thérapie familiale en psychiatrie, dans la lignée de l’école californienne de Palo-Alto, qui a ouvert une porte inédite. Celle de l’abord systémique des situations de chaque personne et de chaque groupe concernés par cette «addiction» dévastatrice.
Je le dis sans détour, ayant mis en place un bon nombre de formations de professionnels, cette idée même de pensée systémique ne séduit pas les esprits. Trop complexe, trop nouveau, trop dérangeant dans nos précieuses routines. Ce qui ne veut pas dire dénué d’intérêt et sans avenir possible.
Et pourtant, notre culture biologique ne cesse de décortiquer plus finement les systèmes qui pilotent le fonctionnement du vivant. Du cycle de reproduction au système neuro-endocrinien, de l’embrryologie aux acides nucléïques, nous jonglons avec une quantité de systèmes. Cela pourrait être un chaos. Pas vraiment, tout le vivant semble présenter une surprenante harmonie, et un mouvement d’ensemble souvent nommé l’évolution. Bien que celle-ci ne semble pas toujours rectiligne.
À quoi obéit cette myriade d’entités systémiques, dont nous ne connaissons toujours (4) qu’une partie. Au hasard dit-on, pour camoufler notre ignorance. N’est-ce pas alors ériger, Philippe Guillemant l’affirme, cette indétermination en une divinité absolue ?
Un autre physicien, David Bohm, a proposé la notion d’un ordre impliqué capable de mettre en route l’ordonnancement des réalités que nous constatons. Un biologiste d’origine britannique, Rupert Sheldrake, propose l’hypothèse de champs morphogénétiques jouant le même rôle de signaux déclencheurs des mécanismes organiques. Le même auteur nous invite à continuer à nous émerveiller dans son livre de 2012 : Réenchanter la science ( Albin Michel). Tout un programme.
La connaissance scientifique tourne autour du pot d’une connaissance globale et unifiée de la réalité. Pourquoi n’y parvient-elle pas ?
Serait-ce lié aux frontières qu’elle s’impose elle-même par souci de rigueur et d’objectivité ? Ses méthodes la rendent-elles aveugle et muette à ce qui est hors de son champ d’investigation?
Tentons de formuler clairement la situation. Peut-il exister un système des systèmes ? Sans sombrer dans des pistes ésotériques ou spirituelles incontrôlables, notre intelligence humaine est-elle physiologiquement capable d’accéder à ce savoir des savoirs ? À ce que Dominique Aubier nomme le système des systèmes, le système absolu ? Les scientifiques, dont elle n’était pas, continuent de faire comme si elle n’avait jamais existé.
Ou bien, comme nous avons tendance à le faire dans de multiples domaines, est-il sage d’attendre que l’intelligence artificielle soit capable de fournir la clé de cette grande énigme ? Notre avenir en dépend à court terme, cela nous est assez dit sur tous les tons.
On continue de passer à côté comme si on avait rien vu ?
François-Marie Michaut
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Notes:
(1) Quelques détails https://www.exmed.org/exmed/and.html
(2) Y compris par des cures de dégout, des implants sous-cutanés de subtances dites antabuse ( espéral), des enfermements en services fermés, des chimiothérapies diverses etc...
(3) D’où un engagement actif dans l’Association pour le développement de la recherche des intervenants en alcoologie (ADRIA), la Société française d’alcoologie (SFA) et la société médicale Balint locale.
(4) Les virus, comme les prions, parmi bien d’autres, nous le disent sans ménagement.
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Os court :
« À vieille mule, frein doré. »
Proverbe français
Lettre d'Expression médicale
LEM n° 1239 5 septembre 2021
https://www.exmed.org/archives21/circu1239.html
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