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23 août 2020

Écrit de crise sanitaire (LEM 1185)

 
   Profiter de l’arrêt imposé des activités habituelles par l’obligation légale du confinement (1) pour écrire librement chez soi est une bonne idée. Ainsi vient de le faire Etienne Klein (2) avec «Le goût du vrai» ( Tracts Gallimard, juillet 2020, 56 pages, 3,90€).
  La vérité dans l’aventure commune que nous impose de vivre l’irruption impromptue chez l’homme du virus corona, baptisé en anglais pour son impact respiratoire SARS-CoV-2  ? Le moins qu’on puisse dire est qu’elle semble être la grande absente des innombrables élucubrations qu’elle fait naître et auxquels nos diffuseurs numériques assurent une propagation . Nos branchés ne peuvent la dire, abus des mots à la mode, que... virale.
   Submergés, plongés dans un bain de méfiance généralisé, maintenus dans un climat de peur de lendemains sans aucune certitude, nous errons. Impossible de se construire,  pour avoir un horizon vivable, un récit personnel du Covid19. Les briques sont trop disparates. Sauf à verser dans une violente attitude de rejet de tout, et plus grave encore, de tous. Certains n’y échappent pas, et toutes les tentatives se voulant pédagogiques (3) ne peuvent que grossir leurs rangs.

    Klein, en bon élève académique, pose la question de la possibilité de la vérité dans toute démarche scientifique. Même si cette vérité ressemble à l’Arlésienne, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas toujours en point de mire. Les références bien choisies ne manquent pas d’intérêt. Avec une tendance forte à vouloir défendre la prédominance de l’empire scientifique sur tout autre savoir. Je ne cache pas que ma préférence va à la très subtile citation plantée en exergue initiale de Franz Kafka : « Il est difficile de dire la vérité, car il n’y en a qu’une, mais elle est vivante, et a par conséquent un visage changeant.»

   L’auteur de l’ouvrage nous conjure d’être attentifs. Pour lui la science ne doit pas être considérée comme un bloc monolithique (4) mais comme le produit de l’empilement des productions de chacune des disciplines utilisant les mêmes méthodologies de cheminement. Un parfum de pluridisciplinarité. Parler au nom de LA science n’a aucun sens. Rejeter la science parce qu’elle ne sait pas tout de suite et ne peut pas se passer de la lenteur de son processus de perception et de vérification minutieuse des réalités est ne rien comprendre à rien.

    Redonner son droit d’existence à l’exercice personnel du plaisir de chercher à comprendre est une idée généreuse. Bien entendu, elle se heurte à tous les pouvoirs en place, le politique en tête, qui savent bien que leur existence est liée à la possession d’un savoir que les autres n’ont pas. Les mécanismes d’infantilisation des esprits et des comportements des citoyens n’échappent pas aux yeux des observateurs attentifs.

    Cependant, notre ami Klein laisse planer un doute sérieux dans son plaidoyer pour le plaisir de savoir (5). Il est possible de le formuler  de la façon suivante.
 Existe-t-il un autre type de vérité accessible à notre intelligence humaine que celui après lequel courent tous les travaux scientifiques ? Toutes nos cultures ayant su de tout temps faire prospérer leurs expressions du domaine des arts, de l’esprit, de la spiritualité, sont unanimes. La vérité accessible aux cerveaux d’Homo Sapiens sapiens est beaucoup plus large et plus vaste que les seuls sujets qu’étudient, avec talent depuis assez peu de siècles, les méthodes scientifiques les plus sophistiquées qui soient.
Vous ne trouvez pas étrange que ce soit un écrivain, issu, c’est à noter, de la tradition hébraïque,  cité au début de ces lignes qui puisse se permettre ce : « Il est difficile de dire la vérité, car il n’y en qu’une, mais elle est vivante...»  Une vérité unique, vivante et difficile à dire : peut-on rêver d’un programme plus enthousiasmant et plus exigeant pour bâtir un  avenir qui tienne la route de l’évolution vitale du réel ?
Si la crise sanitaire a laissé le loisir à quelques uns de mener leur réflexion personnelle, elle n’est pas totalement inutile. Les idées, quand elles sont dans l’air du temps, se propagent tellement plus vite et plus loin que nous ne pouvons l’imaginer (6).

   Que soient remerciés tous ceux qui y apportent, souvent dans l’ombre et en total altruisme,  leur contribution intelligente. Leur importance n’est justement pas proportionnelle à leur nombre, qu’on se le dise.
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Notes :

(1) Curieusement, le dispositif de santé adopté a repris en France pratiquement toutes les idées d’Adrien Proust, hygiéniste parisien très renommé de la fin du XIXème siècle. Avec ce qu’il nommait tout de go, son fils Marcel s’il l’entendît dût en blêmir : la séquestration de la population.



(2) L’auteur, ingénieur centralien, est philosophe des sciences, directeur de recherche au commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, producteur de l’émission de France Culture « La conversation scientifique».



(3) La répétition pluriquotidienne sur tous les médias d’un spot ministériel menaçant dit de prévention de la maladie, de pure propagande, ne peut que contribuer à maintenir un climat général anxiogène. Effet iatrogène peu glorieux. Cela ne peut que nuire à la santé mentale, sociale et culturelle de la population.


(4) Le positivisme d’Auguste Comte est bien allé jusqu’à la constitution d’une religion avec ses temples, son clergé et ses rites que se voulait unique et définitive.


(5) Il y a déjà 7 ans, un livre d’un biologiste renommé avait lucidement tiré la sonnette d’alarme.  Présentation : F-M Michaut LEM 833
                                            
(6) Une preuve objective de cette affirmation sur les idées «dans l’air du temps». Pour être enregistrés, et d’où qu’ils viennent les brevets d’invention doivent être datés à la minute près. Les coïncidences ne sont pas rares. Cf la synthèse de l’aspirine en Allemagne et en France.

 
 François-Marie Michaut
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Os court :


   « Certaines vérités ne nous paraissent invraisemblables que, tout simplement, parce que notre connaissance ne les atteint pas. »


Amadou Hampatê Bâ

 Lettre d'Expression médicale
 
LEM n° 1185   24 août 2020


Autour du vrai (Exmed)

 
   Pas facile, au milieu du flot des info-déformations numériques sans frontière de l’actualité de pouvoir s’appuyer sur une réalité méritant notre confiance. Au grand dam de l’aura de nos dirigeants.

    La parole de ceux qui se donnent la peine d’écrire pour exprimer une pensée élaborée, et non pour épancher leurs seules émotions, ou manipuler les opinions, mérite d’être prise en compte. Et commentée, comme il est habituel de le faire dans les congrès scientifiques et les revues savantes.

   Voici donc, en prise avec l’actualité de chacun,  la LEM 1185 Écrit de crise sanitaire.
   Bonne lecture, à commenter sans modération pour pasticher nos poussifs préventologues zélés.

François-Marie Michaut
24-25 août 2020

CONTRE NATURE  NATURELLEMENT                                 La nature, il paraît, aurait horreur du… vice, S’opposant, «  par nature »,  à ...