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29 juin 2015

Brouets DANS LE POTAGE LEM 917

Lettre d'Expression médicale

LEM n° 917      29 juin 2015


              
 
                                                           

                                               Brouets

                                     DANS LE POTAGE

                     

                                                         Jacques Grieu

                              

                
Même dans mon enfance, encore pas bien grand,
Je posais des questions sans cesse à mes parents.
« Grandit,  bois donc ta soupe, on verra ça plus tard ! »
Après beaucoup de soupe, et voyant mon retard,
Mes questions repartaient. Dégoûté du potage,
J’entendais les réponses : « attends ! Et reste sage ! »
J’ai donc laissé mûrir mais n’ai toujours rien vu.
« Attends donc la retraite, il faut avoir vécu ! »
Maintenant retraité, je suis toujours déçu ;
Personne n’est plus là, qui m’aurait répondu.

J’ai soupé de la soupe et ne veux plus l’aimer ;
Que ce soit du bouillon, le meilleur consommé,
Garbure ou velouté, goulasch ou minestrone,
Me donnent l’impression que quelqu’un m’empoisonne.
La bisque ou le pistou, le brouet de bécasse,
Sont devenus pour moi, des soupes à la grimace.
« Vous crachez dans la soupe », ont dit certains quidams
Sans voir que dès l’enfance, il y avait ce drame.
Sur la tête, un cheveu ne se remarque pas ;
Mais s’il est dans la soupe, on en fait tout un plat.

Pourtant, la soupe aux choux, je ne peux m’en passer.
D’ailleurs, Molière aussi nous a bien énoncé :
« On vit de bonne soupe et non de beau langage ».
« Qui soupe bien dort bien », a ajouté le sage.
Et puis, dans un vieux pot, on fait de bonne soupe :
Quand on a moins de dents, la soupe a vent en poupe …
Plutôt que « pas de soupe », ôtons donc la cuillère :
La soupe on peut servir sans verser la soupière !
« Par ici bonne soupe » aurait dit Henri IV
Goûtant sa poule au pot sans se laisser abattre.

Ce qu’hostie est à messe, arme l’est à la troupe, 
Les légumes au potage et le chou à la soupe.
Une vie sans danger n’est que soupe sans sel ;
Le pleutre, à la goûter, se dit qu’elle est mortelle.
A se lever trop tard, on trouve soupe froide :
L’indécis, hésitant, mange de la panade,
Et donc, pour tout potage, il n’aura que des restes,
Pestant contre la vie au brouet indigeste… 
Comme on fera la soupe, on boira le bouillon ;
Ne chauffons pas la mer pour cuire le poisson !

           
   
  
Os Court :
 
« L’indécis laisse geler sa soupe de l’assiette à la bouche.  » 
    Don Quichotte (Cervantès)

22 juin 2015

Comprendre le ramadan LEM 916

Lettre d'Expression médicale
LEM n° 916      22 juin 2015

              
 
                                                           

                        Comprendre le ramadan                         


                                  D. Marche



   Comme chaque année, le mois du ramadan est un évènement en France. Nous y sommes en ce moment.  Observer ses obligations est l’un des cinq piliers de l’Islam. Que peuvent bien comprendre ceux qui ne partagent pas la foi musulmane ? Pas grand chose, sauf qu’il s’agit d’un jeûne entre le lever et le coucher du soleil durant un mois lunaire.
Les personnes dont le métier est de soigner les autres devraient se demander quelle est la signification de cette pratique vécue comme un grand moment de l’année par bien des gens autour de nous.

   Les modalités pratiques sont accessibles à chacun. En voici un rappel. Pour les adultes en bonne santé, la prise de tout aliment ou boisson durant la journée est interdite. Il en est ainsi pour l’usage du tabac ou les relations sexuelles.
Par contre, la nuit, il est prescrit de se régaler et de ne pas se priver des plaisirs de la chair. Ceci diffère totalement du carême des chrétiens, où ne se retrouve pas cette opposition entre le jour et la nuit.

   Pour ceux qui n’ont pas les yeux de la foi, et qui veulent quand même tenter de comprendre, ce sont les symboles qui sont à déchiffrer. Un symbole, comme en chimie, est un signe visible de tous qui accompagne une réalité moins accessible à  la connaissance.
Ici, le symbole est double. La lumière du soleil et l’ombre de la nuit. Du jour vient toute source de vie ( photosynthèse végétale entre autre). La lune qui éclaire la nuit n’est que le reflet de l’énergie envoyée par l’astre solaire.
La lumière, c’est la forme particulière qui anime sous nos yeux toute la création. Pour les religions, dont celle du Prophète, c’est l’énergie divine en action. Priver son corps de ses carburants habituels, c’est contraindre l’esprit à se concentrer sur cette réalité. Le jour est le temps de la connaissance?

   La nuit est le moment où les choses se font, où les esprits travaillent librement, où les connaissances pratiques, les plans et les inventions se trament. Quand il est dit de se réjouir, de faire la fête, de quelle nourriture est-il question ? Pas seulement de festins matériels, de patisseries délicates à partager en famille. Il s’agit de dévorer à pleine dents toutes les connaissances accumulées par les têtes humaines, en particulier du côté de l’occident depuis des siècles.  C’est une invitation à  une véritable réconciliation entre le spirituel et le scientifique qui est ainsi lancée.

   L’Islam et l’Occident enfin capables de partager quelque chose de fondamental et de fondateur d’un avenir fertile au lieu de se recroqueviller chacun sur ses seules valeurs traditionnelles, l’enjeu est de toute première importance pour l’humanité toute entière.
Il n’est pas d’autre réponse possible aux mouvements terroristes se réclamant d’une tradition qu’ils ne connaissent pas en profondeur pour justifier leur fureur meurtrière.





 

                       

  
Os Court :
 
« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt.  » 
 
Proverbe chinois

15 juin 2015

Quarante et un médecins LEM 915

Lettre d'Expression médicale

LEM n° 915      15 juin 2015


              
 
                                                           

                                    Quarante et un médecins                          


                                             Docteur François-Marie Michaut



   C’est le nombre, non négligeable, de praticiens qui ont été consultés, en cinq ans, par Andreas Lubitz, le copilote qui a écrasé volontairement les 150 occupants de l’A320 de la compagnie Germanwings. Source : Le Monde du 11 juin 2015.
Comment peut-il se faire que pas un seul de ces médecins n’ait agi pour que ce sujet cesse de piloter des avions, en particulier ceux qui transportent des passagers ? Se poser cette question n’a rien d’illégitime.

   Pour des gens du métiers, les interrogations fusent de tous les côtés. En voici quelques unes.

La tendance, pour ne pas « enfermer » les patients dans des étiquettes qui puissent leur nuire, à ne pas poser de diagnostic psychiatrique est à mettre en question. Toute pathologie du comportement ne peut pas, scientifiquement parlant, être qualifiée de dépression. La simple description des symptômes, comme le fait le DSM américain pour contourner les querelles de chapelle entre spécialistes,n’est qu’un outil de recherche : l’utiliser comme manuel diagnostique est une tromperie intellectuelle majeure.

Le version édulcorée, chérie des journalistes comme des hommes de loi, est une prétendue «fragilité psychologique». Comme si notre fragile cerveau était une sorte de muscle plus ou moins bien entrainé ! Quand quelqu’un vit intérieurement dans une réalité déformée, quand ses limites personnelles ne lui sont pas perceptibles, nous sommes dans le domaine de la psychose. Cela doit pouvoir être dit aussi clairement que l’on parle d’une paraplégie, d’une surdité, d’une cécité ou de tout autre handicap. Il est vrai que la compréhension habituelle de la notion de psychose, comme une peur collective aussi contagieuse que peu motivée, ne simplifie pas les choses.

Le monde médical devrait rouspéter ouvertement quand est mise en avant une étiologie de sociologie de bazar aux comportements les plus graves. Le refrain de l’enfance malheureuse, des carences sociales ou affectives, des drames familiaux ordinaires n’a strictement aucun intérêt en dehors des tribunaux.

-La spécialisation médicale pose aussi de graves problèmes. Andreas se plaignait avant tout de troubles visuels, qui, disait-il, pouvaient l’empêcher un jour de voler. Il semble bien qu’aucun confrère n’ait détecté le moindre trouble objectif. Que pouvaient-ils faire d’autre que tenter de le rassurer : « Non, soyez tranquille, nos examens sont formels,votre bilan des yeux ne montre aucune anomalie ?
Multiplier les avis différents et les consultations, quand on est persuadé de quelque chose, aussi folle soit cette conviction, cela ne laisse aucune trace. Toujours plus de la même chose, les systémiciens savent bien que cela ne sert jamais à rien.

-Tout médecin est ligoté légalement, dans nos pays, par l’obligation du secret professionnel. Impossible donc de livrer un diagnostic à un employeur.
C’est qu’intervient, ou devrait idéalement intervenir, la médecine du travail. À  une double condition près. Que le médecin clinicien puisse le joindre ( il ne dispose que des dire de son patient)  et lui faire part de son avis sur la dangerosité de la poursuite des activités professionnelles. La seconde condition est que le médecin du travail ne soit pas dans un lien de dépendance par rapport à l’entreprise en question. La question du secret médical dans cette discipline est loin d’être évidente.

-Sur les 41 médecins «consommées» en 5 ans, qui a bien pu se sentir responsable ? Un patient qui tire toutes les sonnettes, le praticien le sent vite, et le résultat est immédiat. Il ne peut pas s’investir. Michaël Balint l’a fort bien observé en Angleterre en nous expliquant le mécanisme de «la dilution des responsabilités».

    Finalement, sans faire de reproche à quiconque (et de quel droit le ferais-je ?), n’a-t-il pas manqué dans cette terrifiante affaire qu’un seul personnage médical ?
Lequel ? Celui d’un véritable généraliste, occupant pleinement sa place, rien que sa place mais toute sa place dans un système sain de distribution des soins.
   Ce dernier aspect, soyez tranquille, il est bien trop dérangeant pour les pouvoirs en place. Vous ne le verrez évoquer dans aucun écrit.  Il est simplement impensable pour les esprits issus de la connaissance technocratique. Chez ces gens influents, on préfère laisser mourir d’asphyxie ce métier si particulier.



 

                      

  
Os Court :

 
« L’âme d’un homme est un domaine secret et difficilement accessible. » 
 

Georges Duhamel (écrivain et médecin)

10 juin 2015

Merci Domi Bara,
Le principe de cette LEM, depuis 1997, est de limiter sa longueur à une page.
Parce qu'on lit peu, en particulier sur Internet.
Parce que nombreux sont ceux qui ont peu de temps dans le monde de la santé.
Cela demande un effort de concision à chaque auteur.

Le "coup d'oeil" est une façon de laisser ouverte la porte de sa liberté intellectuelle  à chacun.

Les "retours" sont précieux pour améliorer nos échanges.
FMM

09 juin 2015

La vie LEM 914


Lettre d'Expression médicale

LEM n° 914 sur Exmed 

1er juin 2015

              

                                                          

                        La vie                           


                                  Docteur François-Marie Michaut



La dramatique histoire de survie artificielle après un accident de la circulation de Vincent Lambert demeure au premier plan de l’actualité avec une décision de la Cour européenne de justice. Disons-le d’emblée : maintenir en vie pendant tant d’années un être humain aussi sévèrement atteint dans des fonctions vitales est un prodige stupéfiant des techniques médicales actuelles. La moindre des politesses est de remercier tous les membres des équipes soignantes qui travaillent tous les jours pour que Vincent Lambert ne soit pas rayé du nombre des vivants. J’imagine quelles pressions peuvent être exercées par ceux qui souhaitent que les soins soient poursuivis et ceux qui jugent un tel acharnement (non thérapeutique dans ce cas précis) contraire à toute dignité humaine.

Chacun a le droit absolu d’avoir sa propre opinion sur le cas Vincent Lambert. Le risque, cependant, est que ce soit l’émotion, infiniment plus que la réflexion en profondeur qui détermine les prises de position. Pour caricaturer un peu, nous sommes dans le domaine du «moi, à sa place, je voudrais que». Sauf que personne n’est, ni ne peut être, à sa place. Un peu plus subtilement peut être invoqué un « moi, si j’étais à la place de sa mère ou de sa femme, j’aurais telle position». Droit, morale, impératifs religieux ou philosophiques, tous les points de vue se mélangent, sans être capables de s’entendre.

La question de la mort humaine est finalement assez simple. L’heure inévitable où ce que nous observons comme la vie cesse de fonctionner. Au passage, même si cela nous ennuie beaucoup ou nous fait très peur, c’est notre seule certitude.

Le surgissement de toute nouvelle vie, à partir de rien d’autre que, dans un monde de probabilités possibles, de deux cellules étrangères qui se sont mystérieusement rencontrées. Rien d’autre nous dit la science. Une énergie a été nécessaire pour que ce mouvement unique, plutôt que rien, pour paraphraser Jacques Grieu (LEM 913) puisse se produire.
Alors cette vie, sachons l’admirer, à défaut de comprendre pourquoi elle est partout, avec tous ses défauts, comme avec toutes ses qualités.

Les trouvailles des sciences et des techniques ne doivent pas se dresser comme des filtres nous rendant incapables de garder pleine conscience de ce miracle permanent qui est la conservation sans aucune faille du cycle vie-mort-vie.
Tout le reste n’est que querelles superficielles. Et comme la vie est courte, perdre son temps, c’est perdre une bonne partie de sa vie. Autrement dit, se comporter comme un déjà mort !




  
Os Court :
On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner.
Marcel Proust

01 juin 2015

De Rien LEM 913



Lettre d'Expression médicale
LEM n° 913      1er juin 2015

              

                                                          

                        De Rien                           


                                  Jacques Grieu




Trois fois rien, c’est très peu, mais deux fois rien, c’est moins.
Une fois, un seul rien, c’est juste un fifrelin.
Question de quantité ? Mille riens c’est beaucoup,
Mais cela suffit-il à former un vrai tout ?
Dans le néant  aussi , ce serait plein de riens ;
Oui, mais combien de riens pour un néant chrétien ?
Faut-il que « rien de rien » s’oppose à « rien du tout »,
Que ce soit « tout ou rien » comme un passe-partout ?

Comme on n’a rien sans rien, certains recherchent tout.
Se battant pour des riens, ils se cognent partout.
On sait que « propre à tout » vaut souvent « propre à rien »
Montrant que tout et rien ont parfois de forts liens.
A celui qui n’a rien, l’avenir promet tout.
Le moindre petit rien, pour lui, compte beaucoup.
D’ailleurs, il ne craint rien, tout et rien sont pareils ;
Il ne vit que des riens qu’il voit à son soleil.

Est-ce un morceau du « tout »  quand on dit « rien du tout » ?
Ce rien, extrait du tout, serait-il, peu ou prou,
Plus gros, plus important que les riens ordinaires ?
Un rien ventripotent ? Un rien contestataire ?
Si « tout » est plein de riens, alors, on le suppute,
Ce tout n’est plus un tout si d’un rien on l’ampute.
Il s’en faut d’un seul rien : c’est un tout anormal.
On a là un faux tout, un tout un rien bancal.

Notre œil ne peut rien voir si l’esprit ne regarde ;
Au récit du « big bang », la science se hasarde.
Du rien, du grand néant, a jailli l’étincelle ?
L’étincelle du tout, du tout universel.
Mais d’où sortait ce rien qui a créé le tout,
Et qui, mine de rien, nous impose son joug ?
A la poule, les œufs n’ont jamais rien prédit :
Le vrai commencement reste encore non dit.

Il y eut donc un rien moins vide que néant,
D’où est sorti le tout en un bond de géant.
Ce rien cachait le tout et soudain, par magie,
Il y eu un début, l’explosion d’énergie ?
Qui a prévu la fin ? La Bible n’en dit rien …
Et même les savants ne la sentent pas bien.
Beaucoup de bruit pour rien : le « tout » nous reste obscur ;
Une chose est certaine : il n’y a rien de sûr …

                       


 

  
Os Court :

«      Non, rien de rien, non, je ne regrette rien.» 
 
Chanson d’Edith Piaf (1956),

paroles de Michel Vaucaire, musique de Charles Dumont


CONTRE NATURE  NATURELLEMENT                                 La nature, il paraît, aurait horreur du… vice, S’opposant, «  par nature »,  à ...