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15 décembre 2019

Traiter la retraite
 (LEM 1150)


    Quel vacarme subissons-nous depuis des mois dans notre patrie volontiers querelleuse ! Quel point particulièrement sensible (1)  a donc été touché en nous ? Il porte un nom aux peu glorieux accents militaires : la retraite. Tentons la dissection du mot. Le préfixe re prévient qu’on est là dans un retour en arrière. Le suffixe - selon les dictionnaires - vient du latin trahere, tirer, tracter. Pour un mordu de vélo, cela vous a un parfum discret de rétropédalage. Promesse non dite d’un retour au paradis infantile, pied de nez thérapeutique à l’approche imparable de notre fin de parcours ?
   Le christianisme, sur le modèle de multiples religions, n’a cessé d’inciter ses ouailles à savoir prendre des périodes de retraite en s’éloignant de l’agitation du monde. Ligne de mire : trouver le chemin de la vie éternelle au paradis dans l’au-delà de la mort.

   Aurions-nous gardé, bien caché dans un coin de notre âme dûment décapée à la lessive laïque, un tel tropisme pour une spiritualité laminée par nos préoccupations matérielles ? Difficile à admettre quand on voit l’image des hordes de retraités étalée par les médias. Ils sont partout, déguisés en gamins, de tous les voyages, dans tous les loisirs, à l’assaut de tous les amusements et plaisirs, y compris sexuels, de la jeunesse. De l’argent tombant automatiquement du ciel tous les mois et tout le temps disponible sans limite pour en profiter au mieux.

    Comment ne pas rêver devant cette image d’Epinal des écrans quand tous les jours, il faut aller, souvent loin de chez soi, au charbon pour tenter de pouvoir succomber aux sirènes de la consommation quand la paye est tombée ? Comment imaginer en sa jeunesse que le temps passant notre vision du monde et de ce que nous y faisons reste susceptible d’ évoluer ?

    L’écologie est à l’assaut de nos esprits inquiets du futur immédiat de notre planète en danger. Nous voulons ne plus polluer, ne plus gaspiller nos ressources, toutes épuisables en une poignée de dizaines d’années. Que voulons-nous faire de nos retraités de plus en plus nombreux chez nous ? Faut-il après usage les jeter à la décharge comme des mouchoirs en papier utilisés ? Certains établissements d’hébergement ultime le laisseraient penser.

   Une autre option peut exister, si notre civilisation veut s’en donner la peine. Celle du recyclage, comme on le fait pour les objets hors d’usage. Pas pour refaire du jeune avec du vieux, cela s’entend. Une vie, toute vie aussi modeste soit-elle, produit un certain capital immatériel, une contribution à la construction, positive ou négative, de notre culture commune. L’évolution à la Darwin, comme la sagesse orientale, nous le dit depuis longtemps, tout le vivant est en mouvement permanent. Vers la vie comme vers la mort. Chaque homme par ce qu’il fait ou a fait en est un maillon unique. Que de matière (2) à filtrer pour ne pas laisser détruire ce qui est notre bien commun pour construire un devenir plus humain. 
   Comment s’y prendre pour traiter la retraite en en extrayant la substantifique moelle (3)?  La question est ouverte.

                        François-Marie Michaut

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Notes :


(1) Les médecins connaissent bien la trigger zone (point gâchette) dont l’effleurement suffit à déclencher des névralgies faciales intenses.



(2) Une matière immatérielle si on peut dire.

(3) Docteur François Rabelais (1494-1553)


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Os court :

«  Pour tout Français, la retraite est le but suprême de l’existence. C’est avec joie qu’il envisage sa vie de vieillard. Mastiquer avec une mâchoire édentée semble être le comble de ses délices.»

George Mikes  (journaliste et humoriste britannique, 1912-1987)


Lettre d'Expression médicale

LEM n° 1150

 16 décembre 2019
                                                  
                                

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