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17 novembre 2019

Le «Qui-Fait» et le «Qui-Sait»
 (LEM 1146)

                                           
                                                 

   Sigmund Freud a été un monument majeur de la pensée psychiatrique du XXème siècle dans nos pays occidentaux. Il a ouvert à la médecine comme à la philosophie  une porte nouvelle sur le fonctionnement encore inconnu du psychisme humain, avec son fameux, et quelque peu sulfureux, inconscient. Une seule énergie pour en expliquer la force motrice : la libido infantile. Autre chose que la domination monolithique de la pensée consciente rationnelle capable de résoudre tous nos problèmes humains, directement héritée du scientisme triomphant d’Auguste Comte. Deux dimensions : le conscient et l’inconscient, comme nous avons deux hémisphères cérébraux dont la physiologie différentiée ne rend pas compte. Voir l’article didactique de 1976 : « Nos deux cerveaux» de Deglin Lvovitch (1)
  Il était étrange le petit Sigismund Shlomo Freud. Sa passion : la zoologie dans la lignée de Darwin. Sa fascination : la culture grecque et sa mythologie. Son point caché : le rejet de la culture juive familiale. Bon élève, il devint médecin. Pour se consacrer à l’histologie puis à la recherche sur les cellules nerveuses et la cocaïne (2). Très brève incursion dans l’exercice à Vienne de la médecine générale. Qu’il détesta. Faire de la psychanalyse une science, certes différente des autres car échappant à la méthode expérimentale, mais une vraie science fut toujours son ambition profonde.
   Laissons à d’autres comme Sophie Duriez, psychiatre californienne, le soin d’évaluer rigoureusement la pertinence en 2019 des développements théoriques et pratiques de la pensée freudienne (3). Non sans retard, la presse française se fait l’écho de positions critiques argumentées des professionnels (4).

  Le cerveau humain fonctionnant sur un mode double, le conscient, sans le savoir, actionné comme une marionnette par l’inconscient selon Freud. Ce schéma est devenu classique. Une question triviale surgit : pourquoi et comment peut bien fonctionner ce système à la Janus ?  La réponse de la psychanalyse donnant à la libido infantile le statut d’une énergie motrice unique de notre encéphale de Sapiens demeure jusqu’à ce jour de l’ordre de la croyance. D’où la persistance des querelles sans fin entre les partisans et les incrédules. Le terrain est trop mouvant pour y installer les fondations d’une pensée médicale systémique.

   Pour trouver, une des méthodes les plus fécondes est de chercher... à côté. Les exemples abondent. Bien sûr, il faut oser s’aventurer sur des pistes en apparence sans liaison avec sa recherche. Comme l’exploration de son réfrigérateur quand on ne trouve plus sa clé de voiture au risque de passer pour un fou aux yeux de son entourage. Mû par ma seule croyance en la capacité d’un mode de pensée systémique pour aider les soignants à  surmonter les impasses de leurs métiers, je suis allé longuement fouiller ailleurs (5). 
Le résultat de ma pêche se trouve hors des cercles médicaux, hors des milieux scientifiques, hors des rangs académiques, hors des circuits médiatiquement porteurs. Un no man’s land ? Pas tout à fait, il y a de nombreuses racines remontant à nos âges les plus lointains, qui viennent se mettre en contact avec les apports les plus récents des connaissances scientifiques. Il en résulte non pas une contradiction mais une surprenante alliance dans le domaine de la connaissance de l’homme et de la réalité.
   Un auteur, souvent cité ici : madame Dominique Aubier, décédée en 2014. Un ouvrage majeur : La Face cachée du Cerveau, 2 volumes, première édition en 1989.
Voilà où j’ai trouvé, pour moi en lieu et place du conscient/inconscient trop étroit,  la dualité citée en titre. Le cerveau humain fonctionne selon un schéma qui allie un côté Qui-Fait à un côté Qui-Sait. Le premier apparent à tous étant sous les ordres du second, de ce savoir caché par notre modèle culturel résolument matérialiste.
   La mystérieuse face cachée qui ne demande qu’à être découverte dans le désarroi culturel où se perd notre vie, cela mérite plus qu’un haussement d’épaules.
   Cerise sur le gâteau : le système du cerveau humain, au lieu d’être un sommet de l’évolution des espèces, peut correspondre à un modèle que tous les systèmes de la réalité pourraient bien avoir en commun (6).
 
   Ma mission n’est que celle d’un modeste panneau indicateur : à chaque voyageur parcourant cet écrit d’en faire ce qu’il veut et ce qu’il peut. Parce que le chemin n’est pas facile pour nos conditionnements mentaux.

   Dominique Aubier défend, avec une solide documentation issue de  nombreux domaines de connaissance explorés par l’esprit humain, une optique systémique de lecture de la réalité qui ne peut laisser personne neutre. À une seule condition : laisser de côté un instant ses propres connaissances, convictions et croyances, aussi pointues soient-elles, pour adopter des lunettes de généraliste face à un patient qu’il ne connait pas.


  
                        François-Marie Michaut

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Notes

(1) Deglin Vadim Lvovitch ( neurophysiologiste soviétique) « Nos deux cerveaux»  in Courrier de l’UNESCO, Janvier 1976, pages 4 à 14  ,


(2) Envisagée alors, pour son effet stimulant, comme le remède logique du sédatif «morphinisme» opiacé qui faisait alors des dégâts dans les milieux intellectuels.


(3) Dans un courrier personnel, notre consoeur m’a recommandé la lecture du dernier livre d’un célèbre psychanalyste américain (1928-2014) demeuré confidentiel et inconnu des francophones dont voici la référence :
Langs, R. (2010). Freud on a Precipice: How Freud's Fate Pushed Psychoanalysis Over the Edge. Latham, MD: Jason Aronson. Lien


(4) « Faut-il exclure Freud du tribunal ?» Et des universités écrit Quentin Haroche  dans JIM.fr du 31 octobre 2019 Lien

(5) Sans un certain nombre d’aides précieuses qui se reconnaitront ici, cela n’aurait pas pu se faire.

(6) Un système absolu unique: il faut bien reconnaitre que c’est intellectuellement compromettant pour notre rationalité. 

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Os court :

«  Ne faire qu’un avec Tout, telle est la vie de la divinité, tel est le ciel de l’homme ».

Christian Morgenstern (1871-1914)




Célèbre poète allemand dont les poèmes Toi et Moi et Nous Trouvâmes un Sentier, ont été traduits et édités en français en 2011 et 2019,  par Dominique Blumenstihl-Roth ( DBR-diffusion)
  Feuillets de systémique médicale (9) 

Lettre d'Expression médicale

LEM n° 1146

 18 novembre 2019

2 commentaires:

  1. Le «Qui-Fait» et le «Qui-Sait»
    Si les grands diseurs sont rarement de grands faiseurs, ils ne sont pas de grands connaisseurs et jamais de grands chercheurs . Mais les grands connaisseurs sont parfois de grands faiseurs et même de grands chercheurs et alors ne sont pas de grands diseurs.

    Amitiés

    JG

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  2. Ce blog est-il utile ?
    Son auteur écrit des choses étranges qui sont à contre courant de l'opinion.
    C'est son droit.
    Mais pourquoi personne n'ose écrire qu'il est hors de toute réalité acceptable par des esprits scientifiques ?
    Qui je suis pour dire ça : un inconnu.

    RépondreSupprimer

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