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11 juin 2018

Médecine et métaphysique 
 (LEM 1071)


                        Médecine et métaphysique 
                            


                                             François-Marie Michaut




  Traditionnellement, la médecine occidentale aujourd’hui mondialement dominante, se méfie - comme de la peste, bien entendu-  de tout ce qui n’a pas le label de scientifique.  Chacun connait le long cheminement conflictuel qui a conduit notre occident à l’indépendance des professions médicales vis à vis des pouvoirs religieux. Nos hôpitaux depuis le Moyen Âge ont été des Hôtels Dieu aux mains du seul clergé, et il a fallu attendre le siècle de Descartes pour que les médecins ne soient plus des clercs. Donc, à ce titre religieux, interdits de mariage.
Nous n’avons plus guère en mémoire que l’étude des choses des sciences de la nature perçues fut longtemps une partie intégrante de la philosophie sous l’étendard d’Aristote. La médecine  comme toutes les autres sciences faisait partie de la philosophie naturelle.
Il a finalement fallu trois siècles pour que le divorce avec le pouvoir intellectuel mis en action par le christianisme soit consommé. Il a été instauré dans nos facultés de France par Raymond Poincaré quand fut instauré une année préparatoire en Faculté des sciences en 1893 intitulé certificat d’études physiques, chimique et naturelles. Modernisé en 1934 en certificat de PCB ( physique, chimie et biologie animale et végétale). Abandonné depuis 1960 à la suite de la réforme Debré instaurant les Centres Hospitaliers Universitaires.

 Dame physique, devenue biophysique puis physique médicale, fut instaurée comme la science reine. Science suprême, dure, dominatrice incontestée de toutes les autres qui y ont trouvé leurs raçines. Pour des générations de carabins, ce fut la discipline la plus redoutable de toutes dans nos études qui furent toujours sélectives sans jamais l’affirmer ouvertement.

L’évolution des connaissances scientifiques  en un siècle et demi a été impressionnante, et, niveau général d’instruction croissant, a bouleversé notre compréhension de la réalité.
Les limites de la physique, grâce à nos intrusions dans le domaine de l’infiniment petit comme dans celui de l’infiniment grand  sont devenues beaucoup plus incertaines quelles ne l’étaient en 1900.
Nous ne cessons pas pour autant de nommer sans bien réfléchir ce qui échappe (1) aux physiciens  du terme, parfois gentiment ironique, de métaphysique.
Aucune science ne peut renier la physique, ni finir (2) par tenir compte de ses avancées théoriques.

La réalité dans toute sa complexité nous empèche de savoir où commence, ni où peut bien finir ce qu’il y a - comme ce qu’il n’y a pas- au delà des limites de la physique.

 La confusion de la métaphysique avec les seuls récits des traditions religieuses demeure une erreur que nous payons au prix fort. Le temps est venu de s’en libérer. N’oublions pas l’abbé Georges Lemaître, remarquable astronome à la double casquette de savant et d’homme d’église. Oui, l’inventeur du Big Bang (3). Remarquable pirouette (4) laissant dans l’ombre la genèse de cette remarquable explosion d’énergie issue du présupposé «atome primitif». Rien avant le Big Bang ? La pilule est dure à avaler, et ne peut être que de l’ordre de la croyance et non de l’observation scientifique. Le récit de nos origines, qui aura bientôt cent ans, ne manque pas de grandeur et même d’une certaine poésie, mais il n’est qu’un récit après beaucoup d’autres dans notre histoire humaine.

   Même sans être un spécialiste de quoi que ce soit, la frontière jadis étanche entre la physique ( et toutes les sciences qui en dépendent) et la métaphysique est devenue poreuse. Tant pis pour les partisans farouches du matérialisme traditionnel, comme pour les adeptes des extrêmismes religieux si bruyants, un temps nouveau, beaucoup plus ouvert est en route. À chacun de faire l’effort d’en percevoir les signes annonciateurs sans se laisser tromper par les bonimenteurs à la courte vue mais à l’ambition de domination sans mesure. C’est peut-être un peu ça d’être humain en 2018.





Notes :


(1) Encore ou définitivement, les deux éventualités existent.




(2) La spécialisation des différentes sciences fait que les leaders d’opinion, comme on dit volontiers, fort occupés par leur territoire spécifique, sa défense et sa promotion, ont quelques dizaines d’années de retard dans leur formation personnelle à la physique fondamentale. Nous médecins n’avons pas de leçons à donner. Nous  avons   vécu ce phénomène de frein puissant à l’évolution face à la révolution pastorienne ne sortant pas d’un cerveau médical.


(3) En fait, théorie de l’atome primitif marquant le temps zéro de l’univers datant des années 1930, reprise par un journaliste américain pour la ridiculiser sous le nom de Big Bang en 1949.


(4) On oublie parfois que Darwin était profondément chrétien . Pour lui,  sa théorie de l’évolution des espèces n’était pas en contradiction avec sa foi en un créateur  divin unique.

     
  


Os Court : 
 
«   Le développement métaphysique du savoir, c’est lorsque la critique prend le devant sur la croyance. »
  Mofaddel Abderrahim (médecin et écrivain)


Lettre d'Expression médicale du  11 juin 2018
 LEM n° 1071
     

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