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16 octobre 2017

Le leurre d'une éducation nationale LEM

Lettre d'Expression médicale


LEM n° 1037    
http://www.exmed.org/archives17/circu1037.html
     16 octobre 2017

                           
                


                            Le leurre d’une éducation nationale

                                   
               

                                                 François-Marie Michaut


    
En parcourant la revue Lire, je suis tombé sur un papier évoquant un bouquin d’Ivan Illich dont je ne connaissais que le célèbre Némésis médicale (1). En 1971, l’auteur passe au scanner de sa critique personnelle sans concession le système scolaire tel qu’il existe alors dans le monde entier. Il arrive même, lui qui manqua devenir évêque, à oser ce blasphème : Une société sans école.
Voilà que ne peut que faire tousser tous ceux qui, de la maternelle aux sommets de l’université ont été modelés par cette puissante institution, devenue en France depuis Jules Ferry gratuite et obligatoire pour tous les enfants.

   Le coeur du propos est le suivant. Une confusion soigneusement entretenue par des multitudes d’intérêts entre enseignement et éducation. Comme si, par une inexplicable alchimie, tout enseignement se transformait en éducation. La fausseté de ce postulat saute aux yeux des soignants. Apprendre parfaitement le contenu de tous les livres médicaux n’a jamais permis de pratiquer la médecine. L’éducation, la vraie, celle qui vous permet de vivre, se passe partout... sauf dans le carcan scolaire.

     L’école, et on a oublié depuis longtemps que le grec skolè veut dire loisir, est une machine. Une usine ruineuse à fabriquer des enseignements pour les faire entrer dans la tête des plus jeunes. Son idéologie ? Longtemps religieuse, surtout chrétienne, elle est devenue, même avec ses variantes privées, essentiellement  étatique. Son objectif jamais dit est de pousser par ses contraintes éliminatoires successives  les enfants à consommer de plus en plus les enseignements qu’elle produit. Nous sommes ainsi dressés à devenir des consommateurs, puis des fabricants, de tout ce qui est consommable. Société de consommation au service de la sacro-sainte expansion économique sur fond de promesse d’enrichissement personnel en seuls biens matériels. Autrement dit, pour la plupart d’entre nous, une sorte d’assurance de pouvoir réussir sa vie.

   L’évolution de notre idéal de consommation mondialisée, déjà parfaitement perçue en 1971 par cet empêcheur de penser en rond inclassable d’Ivan Illich, est sans appel. La fourniture de savoir de plus en plus poussé vers la fabrication d’objets à vendre et à consommer, telle est l’unique mission de tous les systèmes scolaires. Or, le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur qui sont au chômage continue de grimper. De multiples emplois, y compris en médecine, ne sont pas pourvus, faute d’une éducation suffisante à l’exercice de nombreux métiers.
Est-ce la mission d’un Etat de promouvoir ce type de civilisation ? Est-ce ainsi la seule voie possible d’éducation ? L’accumulation de produits fabriqués par l’enseignement en vue de nous rendre des agents actifs de la consommation nous rend-t-elle éduqués ? A l’évidence, non.

  La France a accompli un pas politique décisif en adoptant en 1905 la loi séparant l’Etat et les églises. Pourrions nous être capables, plus d’un siècle après de comprendre que l’école fonctionne sur le même mode hiérarchisé, dogmatique et autoritaire que l’église catholique ? Autrement dit, une séparation de l’école et de toute forme d’Etat est-elle pensable, ou même ... indispensable. « Une société sans école » nous dit Illich.
Le débat (2), à ma connaissance, n’est pas du tout ouvert dans le grand public.

Notes de l’auteur :

(1) Némésis médicale, L’expropriation de la santé, Seuil, 1981. Voici le début prophétique de l’introduction : "L'entreprise médicale menace la santé. La colonisation médicale de la vie quotidienne aliène les moyens de soins. Le monopole professionnel sur le savoir scientifique empêche son partage.
Une structure sociale et politique destructrice trouve son alibi dans le pouvoir de combler ses victimes par des thérapies qu'elles ont appris à désirer. Le consommateur de soins devient impuissant à se guérir ou à guérir ses proches. Les partis de droite et de gauche rivalisent de zèle dans cette médicalisation de la vie, et bien des mouvements de libération avec eux. L'invasion médicale ne connaît pas de bornes."

(2) Il n’a rien à voir avec la question, finalement aussi anecdotique que polémique, dite de la liberté de l’enseignement.





 


 Os Court :

 «    École : établissement où l’on apprend aux enfants ce qu’il faut pour devenir des professeurs.» 

Sacha Guitry



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