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16 mars 2015

Trio pour deux cocus LEM 904



    Lettre d'Expression médicale
   LEM 904    16 mars 2015

              
 
                         
                               

  Trio pour deux cocus                            

                         Docteur François-Marie Michaut


          Quel plaisir que d’entendre un trio musical quand la partition est excellente et l’interprétation artistique de grande qualité ! Le spectacle que donne en ce moment au public le monde dit - par pure facilité mentale et paresse sémantique - de la santé est fort troublant dans sa cacophonie.
Bien mixés par les médias, des forces s’affrontent, des points de vue s’opposent, des manipulations des esprits fleurissent de tous les côtés. Sur fond de loi Marisol Touraine et de grève des premiers intéressés, bien difficile de s’y retrouver. Un essai d’analyse systémique de ce qui se passe sous nos yeux est  à explorer par qui veut se forger sa propre opinion sans se prendre les pieds dans le tapis des positions partisanes et - dans le plus pur style de la «communication efficace » - des détails montés en épingle masquant l’ensemble de la situation.

    Qu’est-ce que c’est donc que ce trio ?  Dans les civilisations primitives, la fonction du médecin était indisociable de celle du chef, du juge et du prêtre. Saint-Louis encore, souverain de droit divin, rendait, disait-on aux enfants, la justice sous un chêne et touchait les écrouelles (1). Jusqu’au XVII ème siècle, les médecins, tous latinophones, Molière ne les a pas râtés, étaient considérés comme des clercs, et n’avaient donc pas le droit de se marier. Au fil du temps, la fonction médicale s’est laïcisée et est devenue de plus en plus technique et scientifique. Dans son sillage, bien d’autres professions, devenues indispensables aux malades, se sont développées.

    Il a fallu attendre la moitié du vingtième siècle, dans le bouillonnement intellectuel majeur de la psychanalyse, pour que la personne du patient soit reconnue comme aussi importante que celle du médecin (2). Les associations de malades, la naissance d’une presse populaire de vulgarisation médicale, puis les mouvements consuméristes, ont aussi porté le message que tout se joue, pour le pire comme pour le meilleur, pour la guerre comme pour la paix, dans la relation médecin-malade. 

Voici, en face à face, nos deux protagonistes principaux (le malade et le méecin pour simplifier) campés dans la scène de la réalité quotidienne de la rencontre médicale.

Relation humaine hautement personnalisée,et totalement disymétrique,  pour laquelle le respect absolu du silence du soignant sur ce qu’il a pu apprendre dans son travail constitue un absolu indispensable.
Il était alors envisageable que le fait d’améliorer les relations entre les malades (et leur famille) et les médecins était suffisant pour parvenir à des soins de meilleure qualité, non seulement humaine, mais aussi technique.


C’était sans compter sur Dame Politique et ses illusions idéologiques issues du partage du monde en deux blocs opposés dès la fin de la seconde guerre mondiale. La création de la Sécurité Sociale en 1946 en a été en France un des aspects les plus remarquables. Enfin, un système d’assurance collective pouvait mettre à l’abri de la ruine et de la misère les citoyens atteints de maladie ou ne pouvant plus travailler.
 Au fil des années, des Républiques et des gouvernements, un glissement s’est opéré. Dans l’incapacité de montrer leur pouvoir sur les évolutions de la société (dont l’implacable chomage depuis 1972), les pouvoirs politiques se sont emparés de la santé. Avec une subtile alliance avec l’assurance sociale unique obligatoire (3), les gouvernements, toutes tendances confondues, se sont de plus en plus comportés comme les seuls patrons du système de santé. Laisser croire aux gens peu informés que la sécurité sociale c’est l’État, que leur bourse est la même, est une tromperie grave.
Le tableau s’est encore compliqué par la place de plus en plus grande prise par les assurances complémentaires en cheville avec les financiers. Il est pour le moins troublant que nous soyons contraints de payer fort cher des assureurs pour combler les défaillances, orchestrées par les pouvoirs publics, des remboursements du régime général d’assurance maladie obligatoire qui pompe déjà un pourcentage considérable de nos revenus du travail.



   Voilà exactement où l’on en est en mars 2015. Une alliance entre la sécurité sociale, les assureurs-banquiers et l’État ( Sécassétat pour les intimes) a pris le pouvoir sur les deux autres partenaires indispensables que sont les patients et les médecins avec leurs alliés professionnels.

Notre trio est donc totalement dysfonctionnel, et son explosion est aussi inévitable que le fut celle de la médecine soviétique de lugubre mémoire.
Patients comme médecins ont été hypnotysés pendant des années par les beaux discours officiels, riches en promesses jamais tenues.
La vérité peut maintenant être dite tout haut, et comprise par de plus en plus de gens. Les deux cocus de notre histoire ne peuvent que parvenir à un alliance pour mettre à la porte de leur intimité naturelle, cette Sécassétat qui les a roulés dans la farine.
   

   Ainsi, copinages ou pas, «com» efficace ou non, va l’histoire naturelle des systèmes dysfonctionnels, qu’on se le dise dans tous les ports.




              
    Notes:
(1)Terme populaire désignant l'adénopathie cervicale tuberculeuse chronique`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Pratique de guérisseur respectée par tous les rois de France jusqu’à Charles X.


(2) Travaux de Michaël Balint en Grande Bretagne avec des groupes de médecins généralistes londoniens.


(3) La création d’un impôt destiné à financer la sécurité sociale en dramatique déficit , dit contributions sociale généralisée (CSG) et remboursement de la dette sociale (RDS) a brouillé les cartes. La caisse de l’État (nos impôts) n’est pas du tout la caisse de la Sécurité Sociale (nos cotisations sociales sur notre salaire).  
       



                        

  
Os Court :

«  Il vaut mieux être cocu qu’aveugle. Au moins, on voit les confrères. » 

      Guillaume Apollinaire


  















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